Saint-Louis, 24 Mars (SL-INFO) – Ce lundi 24 mars 2025, à 10h26 GMT, le Sénégal célèbre la Journée mondiale de la tuberculose (TB) sous le thème « Oui ! Nous pouvons mettre fin à la tuberculose : s’engager, investir, agir concrètement ». Cette date, qui commémore la découverte du bacille de la tuberculose par le Dr Robert Koch en 1882, est une occasion de sensibiliser sur les ravages de cette maladie infectieuse et de galvaniser les efforts pour l’éradiquer d’ici 2030. Au Sénégal, malgré des progrès notables, les défis restent nombreux, et l’appel à une mobilisation renforcée résonne avec urgence lors de la cérémonie officielle prévue à la Promenade des Thiéssois, sous la présidence du Ministre de la Santé et de l’Action Sociale.Un fardeau mondial et local toujours lourd
À l’échelle mondiale, la tuberculose demeure une menace majeure. En 2023, selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), 10,8 millions de personnes ont contracté la maladie, dont 6 millions d’hommes, 3,6 millions de femmes et 1,3 million d’enfants. La même année, elle a causé 1,3 million de décès, soit une personne toutes les 20 secondes, et reste la principale cause de mortalité due à un seul agent infectieux en Afrique, avec 2,5 millions de nouveaux cas et 404 000 décès. La tuberculose pharmacorésistante aggrave la situation : en 2023, seuls deux cas sur cinq ont eu accès à un traitement, sur 410 000 cas estimés en 2022.

Au Sénégal, les chiffres de 2024 révèlent une incidence de 110 cas pour 100 000 habitants, soit environ 20 000 nouveaux cas annuels. Sur les 17 286 cas notifiés, 16 595 étaient des nouveaux cas ou rechutes mis sous traitement, dont 80 % de formes contagieuses. Les régions de Dakar, Thiès, Diourbel, Kaolack, Ziguinchor et Saint-Louis concentrent 82 % des cas, Dakar représentant à elle seule 44 %. Bien que le taux de succès thérapeutique atteigne 89,4 %, proche de l’objectif de 90 % fixé pour 2030 dans la stratégie « END TB », un tiers des cas estimés échappe encore au système de santé, alimentant la transmission communautaire.
Des progrès encourageants, mais insuffisants
Le Sénégal a intensifié ses efforts ces dernières années. Le déploiement de 74 appareils Genexpert a permis d’améliorer le diagnostic rapide des formes pharmacosensibles et pharmacorésistantes. Les unités mobiles de radiographie numérique facilitent l’accès au dépistage dans les zones rurales, tandis que des schémas thérapeutiques plus courts et entièrement oraux, comme le BPaLM/BPaL recommandé par l’OMS, améliorent l’adhésion des patients. En 2024, le taux de co-infection TB-VIH a baissé à 3,5 %, contre 6,5 % il y a dix ans, grâce à une collaboration étroite entre les programmes nationaux de lutte contre la TB et le VIH. Des mesures de soutien, telles que la gratuité des soins, la distribution de paquets alimentaires et l’appui au transport, visent à accompagner les patients démunis.

Cependant, ces avancées masquent des lacunes persistantes. Le sous-dépistage des cas pharmacorésistants reste préoccupant, avec une prévalence de 0,9 % parmi les nouveaux cas et 19 % parmi les cas de rechute, selon une enquête de 2014-2015. L’insuffisance d’appareils Genexpert dans les zones périphériques et un taux élevé de perdus de vue compliquent la lutte. De plus, les financements internationaux pour la TB diminuent dans un contexte géopolitique tendu, menaçant les objectifs mondiaux de 2030.
Les défis structurels et sociaux
Au-delà des chiffres, la tuberculose au Sénégal est exacerbée par des déterminants sociaux. À Keur Massar, par exemple, les conditions de vie – zones inondées, humidité permanente et proximité de la décharge de Mbeubeuss – favorisent la propagation de la maladie. La pauvreté, la sous-nutrition et les mauvaises conditions de travail aggravent la vulnérabilité des populations, notamment dans les milieux urbains surpeuplés comme Dakar. Les populations carcérales, souvent négligées, sont également à haut risque, nécessitant une attention accrue.

La stigmatisation reste un obstacle majeur. Les croyances superstitieuses et la peur de l’exclusion sociale dissuadent certains patients de se faire dépister ou de suivre leur traitement, ce qui contribue à la transmission communautaire. Par ailleurs, l’accès aux soins reste inégal, particulièrement pour les femmes et les enfants, qui représentent respectivement 33 % et 12 % des cas mondiaux, mais dont les besoins spécifiques sont souvent sous-estimés.
Un appel à une mobilisation renforcée
La Journée mondiale de la tuberculose 2025 est un moment clé pour le Sénégal. L’objectif est clair : trouver le tiers des cas manquants pour briser la chaîne de transmission. Cela nécessite une mobilisation accrue des ressources, un engagement politique fort et une sensibilisation massive. Le pays doit également investir dans la recherche et l’innovation, notamment pour développer des traitements plus efficaces contre la TB pharmacorésistante, qui constitue une menace croissante.

Le Sénégal peut s’inspirer de ses propres succès, comme la baisse de la co-infection TB-VIH, pour renforcer sa stratégie. Mais il doit aussi tirer les leçons des échecs mondiaux : la pandémie de COVID-19 a montré combien les perturbations des systèmes de santé peuvent inverser des années de progrès. Avec un engagement multisectoriel – impliquant les secteurs de l’éducation, de la justice et du développement social – et un soutien accru des partenaires internationaux, le Sénégal peut se rapprocher de l’objectif d’élimination de la tuberculose d’ici 2030. Comme le souligne le thème de cette année, il est temps de s’engager, d’investir et d’agir concrètement.

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