Dakar, 18 juin (SL-INFO) – Dans l’espace UEMOA, où le financement des États par le biais du marché régional des titres publics s’est renforcé au fil des dernières années, le Sénégal s’impose comme l’un des émetteurs les plus constants et les plus actifs. À travers cette stratégie, les autorités visent à mobiliser des ressources régionales en monnaie locale pour financer des projets d’investissement, tout en limitant le recours aux emprunts extérieurs plus exposés aux aléas des marchés internationaux. Si cette dynamique témoigne d’une certaine crédibilité sur les marchés, elle soulève aussi des interrogations sur la structure de l’endettement et la soutenabilité budgétaire à moyen terme.
Selon les données de l’Agence UMOA-Titres, le Sénégal a levé 1 694 milliards de FCFA entre mai 2024 et mai 2025, soit une part légèrement supérieure à 18 % du volume total des émissions brutes sur le marché régional. Cette place centrale traduit l’ampleur des besoins de financement liés à la mise en œuvre des grands projets d’infrastructure, à l’opérationnalisation de la Stratégie nationale de développement (SND 2025–2029), mais aussi à la gestion des équilibres macroéconomiques dans un environnement marqué par une remontée des taux directeurs et un resserrement des conditions de liquidité.
Au premier trimestre 2025, Dakar a mobilisé 960 milliards de FCFA, avec une préférence marquée pour les Obligations Assimilables du Trésor (OAT) à maturité moyenne ou longue, dans une logique de gestion active de la dette. Le taux de couverture moyen des émissions sénégalaises dépasse 130 %, et les taux d’intérêt restent globalement contenus, oscillant entre 6,3 % pour les titres à trois ans et 7,72 % en rendement moyen pondéré sur l’ensemble des émissions. Cette relative stabilité traduit la confiance maintenue des investisseurs, notamment institutionnels.
Toutefois, la réforme des règles prudentielles opérée par la BCEAO, limitant l’exposition des établissements de crédit aux titres souverains, a contribué à une plus grande sélectivité sur le marché. Dans ce contexte plus compétitif, le Sénégal a dû renforcer la lisibilité de son calendrier d’émission, améliorer la transparence sur l’usage des fonds levés et afficher une discipline accrue dans la gestion de ses engagements. Ces efforts ont permis de maintenir un ancrage favorable auprès des investisseurs, malgré une montée en puissance d’autres émetteurs de la sous-région.
Cette stratégie offensive s’accompagne néanmoins de risques croissants. Le recours soutenu au marché obligataire a fait grimper l’encours de la dette intérieure, qui excède désormais 9 500 milliards de FCFA début 2025. Par ailleurs, le poids du service de la dette dans le budget de l’État atteint environ 22 % cette année, réduisant les marges de manœuvre pour financer les politiques sociales, éducatives ou productives. Cette situation alimente le débat sur la qualité de la dépense publique et la soutenabilité de la trajectoire budgétaire.
Dans une optique de consolidation, les autorités cherchent à mieux aligner les émissions obligataires sur les priorités d’investissement structurant, telles que définies dans la SND 2025–2029, et à renforcer la traçabilité des fonds mobilisés. En parallèle, des pistes sont explorées pour élargir la base des souscripteurs, notamment en direction de la diaspora, des assureurs ou des gestionnaires d’actifs locaux, afin de renforcer l’ancrage domestique de la dette publique.
Ainsi, si le Sénégal demeure une figure de proue du marché obligataire régional, sa position repose sur un équilibre délicat : conjuguer ambition de développement, maîtrise des équilibres macroéconomiques et efficacité de la dépense. Car la crédibilité sur les marchés ne peut être durable que si elle s’accompagne d’un usage stratégique et rigoureux des ressources empruntées.

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