Dakar, 27 nov (SL-INFO) – La commune de Tivaouane Peulh-Niague a été le théâtre de violents affrontements, ce mercredi. L’arrivée de bulldozers pour le projet controversé « Ville Verte » de Casa Orascom a mis le feu aux poudres, conduisant à des heurts avec les populations locales et à l’arrestation de six personnes, dont un notable local, sur fond de silence assourdissant des autorités.
Ce matin, l’alerte a été donnée par des habitants de Niague, derrière le Lac Rose. Des bulldozers ont été aperçus en pleine action dans les dunes de Sable, rasant des filaos, signalant le début des travaux du projet « Ville Verte » de Casa Orascom. Ce projet est contesté depuis des années par les populations qui y voient une menace écologique et socio-économique directe pour le célèbre Lac Rose.
L’opposition immédiate a rapidement dégénéré en crise ouverte. Les manifestants, déterminés à stopper les machines, ont été accueillis par les forces de l’ordre. L’usage de grenades lacrymogènes a marqué le début des affrontements. Pendant plusieurs heures, des manifestants se sont retranchés dans les rues du village, bloquant les principaux axes routiers avec des pneus brûlés.
Six arrestations et une lettre depuis la gendarmerie
Au moment où ces lignes sont écrites, la tension reste vive. Six personnes sont en état d’arrestation : le Dr Amath Wade, figure politique locale très connue, ainsi que Lamine Dieng, Sakho Dieng, Khadim Seck, Fallou Galass Seck et Baba Guèye dit Marigot. Les charges exactes qui leur sont reprochées ne sont pas encore connues.
Depuis leur interpellation, les populations exigent leur libération immédiate, dénonçant une répression qu’elles jugent injustifiée contre ceux qui défendent leur cadre de vie.
Retenu à la gendarmerie de Niague, le Dr Amath Wade a réussi à faire parvenir un message manuscrit, renforçant la mobilisation : « Si je suis là, c’est parce que j’ai refusé de me taire devant un projet mené avec ORASCOM qui prévoit de détruire des milliers de pieds de filaos et de transformer nos dunes en lotissements. Ce projet menace directement le Lac Rose, les milliers de personnes qui vivent dans les environs et toute l’économie locale qui en dépend… On ne peut pas sacrifier une communauté entière, ses emplois, sa dignité et son environnement au profit d’un projet qui ne tient aucun compte de ceux qui habitent ici depuis des générations ».
Un silence de l’État qui interroge
La crise révèle un malaise politique profond. Les habitants de Niague dénoncent la destruction de leur environnement et craignent que le projet Casa Orascom ne plonge des milliers de jeunes et de femmes dans le chômage en perturbant l’équilibre naturel du Lac Rose.
Leur colère est exacerbée par ce qu’ils qualifient de silence incompréhensible de l’État sénégalais. La zone de Niague, qui a largement soutenu le régime actuel lors des dernières élections de 2024, se sent aujourd’hui abandonnée.
Le maire de Tivaouane Peulh-Niague, Papis Diop, et le député Youngaré Dione, tous deux originaires de la zone, soutiennent le projet contesté, et leur position contraste avec une absence totale de présence et d’accompagnement sur le terrain.
« Nous exigeons la libération immédiate de Dr Wade et des autres arrêtés. Le projet ne doit en aucun cas devenir une source de conflit. Nous appelons l’État et l’entreprise à engager, dans la transparence, une concertation sincère et permanente avec les populations », a déclaré El Hadji Cissé, président du mouvement “Manco Ci Deugg”.
La population mobilisée devant la brigade de gendarmerie affirme sa détermination. Le gouvernement est désormais interpellé : ne pas intervenir pour suspendre les travaux et engager un dialogue serait perçu comme un échec politique majeur.
Tandis que le silence persiste, la tension monte au Lac Rose, et la population clame qu’elle ne reculera plus pour défendre son patrimoine naturel.




