Dakar, 27 nov (SL-INFO) – Un rapport d’expertise juridique international, rédigé par le professeur Mads Andenæs, ancien président du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire, accuse le Sénégal de violations « graves et systématiques » des droits humains dans les poursuites judiciaires engagées contre plusieurs figures de l’ancien régime de Macky Sall. Le document de 34 pages, dont le journal Les Echos détient copie, révèle que les détentions de Moustapha Diop, Amadou Mansour Faye et Farba Ngom sont « arbitraires au regard du droit international ».
Pour établir ses conclusions, le professeur Andenæs, éminent spécialiste de droit international, s’est rendu à Dakar les 5 et 6 novembre 2025. Au cours de sa mission, il a rencontré les avocats de la défense, des représentants d’organisations de défense des droits humains, ainsi que la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH). Il s’est également rendu en personne à la prison pour visiter l’un des détenus, Farba Ngom. Parmi ses interlocuteurs figuraient des personnalités reconnues telles que Me Mbaye Sène, doyen de l’Ordre des avocats du Sénégal, et Seydi Gassama, directeur d’Amnesty International Sénégal.
La haute cour de justice épinglée
Le rapport s’attaque frontalement au fonctionnement de la Haute Cour de Justice (HCJ), une juridiction d’exception devant laquelle comparaissent d’anciens ministres. Le professeur Andenæs est catégorique : « Les procédures initiées devant la HCJ ne répondent pas aux exigences d’indépendance, d’impartialité et de droit d’appel prévues par le droit international ».
Il souligne que sa composition, largement dominée par la majorité parlementaire actuelle, et l’absence de tout recours possible, placent ces procès « en dehors du cadre d’un procès équitable ». « Aucune dérogation n’est permise pour les tribunaux spéciaux », martèle l’expert.
Le document épingle également le recours systématique à la détention provisoire. Celle-ci serait appliquée « de manière automatique, sans justification individualisée », en violation des standards internationaux. En cause : l’article 140 du Code de procédure pénale sénégalais, qui impose la détention pour certaines infractions financières sans laisser de marge d’appréciation au juge. « Ce régime est incompatible avec les normes internationales », affirme le rapport, rappelant que toute privation de liberté doit être évaluée au cas par cas.
Le cas de Farba Ngom
La situation de Farba Ngom, député-maire détenu depuis février 2025, est décrite comme « particulièrement préoccupante ». Malgré des certificats médicaux attestant de l’incompatibilité de son état de santé avec la détention, celui-ci reste incarcéré. Le rapport révèle par ailleurs que ses entretiens avec ses avocats se dérouleraient à proximité des bureaux des gardiens, dans des conditions portant atteinte au secret de la défense, pourtant garanti par la loi.
Un dernier grief majeur concerne l’opacité des charges retenues. Selon le rapport, les avocats des prévenus n’auraient reçu qu’une qualification juridique des infractions (escroquerie, détournement…), sans les faits précis, les dates ou les montants les étayant. Cette pratique, qui semble généralisée, empêche toute préparation effective de la défense. « En conséquence, des individus peuvent être inculpés et détenus sur la base de présomptions non vérifiées », alerte le professeur Andenæs, pointant du doigt un système où l’accusation précéderait l’enquête.
