Saint-Louis, 02 Nov (SL-INFO) – Dans un contexte global où les structures collaboratives et solidaires prennent une importance croissante,
les coopératives se révèlent être des acteurs clés du développement durable. Elles jouent un rôle vital dans le renforcement des économies locales et l’amélioration des conditions de vie, tant au niveau national qu’international.
Une percée ambitieuse des coopératives
Au niveau international, nées d’une impérieuse nécessité d’entraide et de solidarité, les coopératives ont pris forme dans un environnement où les petits producteurs luttaient pour surmonter les inégalités économiques et les obstacles d’accès aux marchés. Elles ont non seulement permis à leurs membres de surmonter la pauvreté mais ont également favorisé des conditions de travail plus équitables, démontrant
ainsi le potentiel des coopératives pour transformer positivement les communautés.
En plus des succès observés en Europe, l’importance des coopératives dans le développement économique et social s’étend également en Afrique. Au Maroc, les coopératives de la Région de l’Oriental jouent un rôle crucial dans le développement des zones rurales, notamment par la valorisation des produits locaux et la création d’emplois. Ces coopératives ont vu leur nombre augmenter significativement, passant de 1215 en 2015 à 5517 en 2020, ce qui représente une croissance impressionnante de 63,9% en cinq ans (Amine ELQAITI and al, 2020).
La rupture de dépendance annoncée
Au Sénégal, l’évolution du mouvement coopératif, en particulier depuis la période post indépendance,
est une étape cruciale dans la réduction de la dépendance des agriculteurs vis-à-vis des commerçants et
dans la commercialisation de leurs cultures. Cette initiative nationale initiée à l’époque par le président
Mamadou Dia, a permis d’améliorer la maîtrise des circuits de commercialisation, augmentant ainsi la
production agricole grâce à la mécanisation et à la distribution de semences et de fertilisants (Fall and
al, 2008).
Ces coopératives ont bénéficié d’un soutien significatif de l’État, notamment à travers la création de
structures de financement dédiées. A cette époque, les coopératives jouaient un rôle vital dans l’économie locale, favorisant notamment de manière significative l’amélioration des revenus et des conditions de vie des populations rurales.
L’interférence de la crise politique
Avec l’avènement de la crise politique de Décembre 1962, les politiques socio-économiques axées sur
les coopératives ont été progressivement abandonnées, marquant un tournant significatif dans la
politique sénégalaise (Fall and al 2008). Depuis lors, les coopératives font face à des défis
organisationnels et de durabilité pour réaliser pleinement leur potentiel au sein de l’économie
sénégalaise.
Ces défis soulèvent une interrogation fondamentale : quelles stratégies et approches pourraient être
mises en œuvre pour surmonter ces obstacles ?
Leviers de développement endogène
Mis en place le 05 Avril 2024, le nouveau gouvernement sénégalais qui se veut de proximité, d’innovation et d’efficacité s’est fixé des piliers majeurs pour faire face aux préoccupations pressantes des Sénégalais et des Sénégalaises. Parmi ces piliers majeurs on peut citer : la jeunesse, l’éducation, la formation, l’entreprenariat et l’emploi des jeunes et des femmes, la lutte contre la vie chère et l’amélioration des conditions de vie de populations. Pour relever les défis soulignés plus haut, le secteur primaire reste un écosystème incontournable dans les stratégies de développement qui seront mises en place par l’équipe du Premier Ministre, Monsieur Ousmane SONKO. En effet la décision pertinente du nouveau gouvernement de créer un Secrétariat d’Etat aux coopératives agricoles et encadrement du paysan est aussi salutaire au regard des enjeux de réorganisation des producteurs ruraux. Afin de garantir le succès des politiques visant à placer les coopératives au cœur du développement rural et de la souveraineté alimentaire, le nouveau gouvernement sénégalais doit adopter une approche intégrée à plusieurs niveaux :
Au niveau institutionnel
Pour que les pouvoirs publics actuels réussissent le pari de faire des coopératives des leviers de développement endogène, il est crucial d’adopter une approche institutionnelle adéquate pour répondre
aux besoins des coopératives. Cela passera par :
l’élaboration d’une Lettre de Politique Sectorielle (LPS) dédiée aux coopératives, qui formaliserait
l’engagement du gouvernement envers ce secteur.
la création d’un établissement public spécifiquement dédié aux coopératives pour superviser,
soutenir et coordonner toutes les activités liées au secteur coopératif.
une incitation aux coopératives de se doter de plans stratégiques et de plans d’affaires contribuant
directement aux objectifs nationaux de développement.
une implication des collectivités territoriales dans la promotion et le soutien aux coopératives.
Au niveau organisationnel
La question organisationnelle doit être au cœur de la performance et de la durabilité des coopératives au
regard de leur contribution attendue dans le processus d’autonomisation du monde rural. Pour cela, il
faudra initier des dynamiques d’appui à l’organisation et à l’encadrement des coopératives dont :
la création d’une maison régionale des coopératives qui les accompagne en termes d’offres de services et d’encadrement (Coaching, formations, marketing, financement, investissement solidaire, communication, digital etc) ;
l’instauration d’un hub digital pour les coopératives marquerait un pas vers la modernisation et
l’intégration technologique de leurs activités.
Au niveau économique :
Pour maximiser l’impact économique des coopératives, une attention particulière doit être accordée pour
qu’elles deviennent un levier de création d’emplois et de richesses. Il faudra pour cela :
développer des stratégies de commercialisation efficace ;
encourager la création d’emplois dans toutes les phases de la chaîne de valeur des coopératives, de
la production à la commercialisation.
Au niveau financier :
Il est crucial de développer des produits financiers adaptés à l’écosystème des coopératives pour qu’elles puissent être un moteur dans le processus d’autonomisation du monde rural. L’accent devra être mis notamment sur :
la création d’une banque territoriale des coopératives ou une banque publique de financement des
coopératives.
En guise de conclusion et recommandations, l’engagement du nouveau gouvernement sénégalais à placer les coopératives au cœur de ses stratégies de développement rural est une initiative prometteuse.
Cette option des nouvelles autorités sénégalaises favorise une gestion autonome et efficace du développement à la base. Il faudra dans cet esprit, que les pouvoirs publics et les acteurs coopératifs se
fixent les ambitions ci-après :
Promouvoir une économie productive et diversifiée : La collaboration entre l’Etat et les coopératives est envisagée comme un levier pour créer de la valeur et des emplois de qualité, stimulant ainsi une économie nationale plus robuste et diversifiée.
Renforcer le capital humain : En intégrant les coopératives dans les efforts de développement, le gouvernement devra miser sur l’éducation et la formation continue pour préparer une main-d’œuvre
qualifiée prête à répondre aux défis futurs, renforçant ainsi le capital humain du pays.
Favoriser des opportunités d’inclusion pour tous : Cette approche contribue à un lien social consolidé, offrant des opportunités d’inclusion économique et sociale à tous les segments de la population, et particulièrement à ceux qui sont traditionnellement marginalisés.
Construire des territoires durables et résilients : L’orientation politique mise sur les coopératives pour l’autonomisation du monde rural aide également à promouvoir le développement de territoires durables et résilients, faisant des zones rurales des points d’ancrage essentiels pour le développement durable du pays.
Assurer correctement la gestion des risques : le management stratégique et opérationnel de ces coopératives doit être encadré par des actions de mitigations des risques, dans une perspective de
durabilité.
* Par Dr Mamouth DIOP
Economiste
Expert en développement territorial et économie sociale et solidaire