Saint-Louis, 22 sept (SL-INFO) – Le “Jardin d’essais” de Saint-Louis, érigé il y a plus d’un siècle par le colonisateur français pour ses expérimentations agronomiques, s’est transformé en lieu de mémoire, perpétuant le souvenir du séjour, en ces lieux, de Cheikh Ahmadou Bamba (1853-1927), le fondateur de la confrérie mouride, après son procès en 1895.
Situé dans les faubourgs de Sor, ce site, appelé “Toolu Buur” en wolof, représentait un vaste domaine érigé sur une superficie de 5 hectares dans lequel le colonisateur pratiquait de l’expérimentation fruitière et agricole.

Le site abritait en même temps des animaux sauvages, domestiques aussi.
Dans ce dernier cas, il s’agissait de voir si ces animaux domestiques pouvaient survivre dans des conditions climatiques pouvant autoriser leur élevage dans d’autres pays de l’Afrique occidentale, selon Serigne Moustapha Diakhaté, membre de la commission culturelle du “Kurel des 2 Rakkas” dont il est également le chargé des relations extérieures.
L’histoire du Cheikh et le Lion en 1895
En 1895, le fondateur du mouridisme, entre les mains des colons français, a séjourné en ces lieux. C’est une particularité marquante qui suscite l’intérêt des disciples mourides.
“Ce qui nous lie à ce jardin, ce n’est pas sa prestance mais plutôt le séjour de Cheikh Ahmadou Bamba. En 1895, après le procès, il a prié deux ‘Rakkas’ [dans la salle de délibération du palais du gouverneur général] que l’on célèbre le 5 septembre, on l’a ensuite conduit au Jardin d’essais à l’insu de tout le monde”, a expliqué Serigne Moustapha Diakhaté.
“Personne ne savait où se trouvait Cheikh Ahmadou Bamba à l’exception de Mame Cheikh Ibrahima Fall. Son fidèle disciple, après des tractations et beaucoup d’efforts, finit par savoir où se trouvait le Cheikh”, ajoute-t-il

Selon Serigne Moustapha Diakhaté, personne, à cette époque, n’osait traverser la porte de ce domaine dans lequel Cheikh Ahmadou Bamba “a vécu toutes sortes d’épreuves”, la volonté du colonisateur français étant en réalité de l’éliminer.
Le fondateur du mouridisme avait été par exemple mis dans une même cage qu’un lion, mais le félin s’est transformé en animal docile, selon M. Diakhaté. Ce qui, dit-il, avait émerveillé les autorités coloniales.
Le Lieu de détente du Cheikh au “Jardin d’essais”
Dans ce jardin où vivaient des animaux sauvages et toutes sortes de reptiles, le Cheikh avait séjourné jusqu’au 18 septembre 1895, avant d’être conduit à Dakar, renseigne le chargé des relations extérieures du “Kurel des 2 Rakkas”.
Selon lui, le Cheikh faisait ses prières et ses actes de dévotion à un emplacement précis du jardin, appelé “Kadd Ga”, où se trouvait un acacia.
Ce lieu est protégé par les fidèles mourides, “pour que les gens sachent qu’il avait été choisi par Cheikh Ahmadou Bamba. Partout où le Cheikh passe, c’est un lieu de prières, un lieu béni”, dit-il.

“Un peu au fond de ce ‘Jardin d’essais’, il y a un cercle couvert en blanc par les mourides. Les dahiras (associations religieuses) viennent chaque vendredi y déclamer des Qasîdas (poèmes écrits par le Cheikh). Là également, c’est un lieu qu’il avait choisi”, a-t-il ajouté.
À côté, il y avait un mirador avec une citerne où se mettait le colon pour surveiller Cheikh Ahmadou Bamba, a poursuivi Serigne Moustapha Diakhaté.
“Un peu vers l’est, c’est le lieu où le Cheikh se promenait, pour se détendre. Chaque jour vers 17 heures, un peu après la prière d’Asr, on libérait le Cheikh pour lui permettre de se détendre, de faire de va-et-vient parce qu’il était emprisonné”, a-t-il signalé.
“On y a planté des cocotiers qui se sont développés d’une manière extraordinaire. Une brise extraordinaire souffle aussi sur cet endroit particulier. Si on dit à quelqu’un qui connaît le Cheikh que ce dernier est passé par là-bas, il saura que c’est une vérité à cause de toutes ces bénédictions”, commente Serigne Moustapha Diakhaté.
Le “Jardin d’essais” appelé “Toolu Buur” abrite désormais le centre de recherches agricoles servant d’antenne locale pour l’ISRA, l’Institut sénégalais de recherches agricoles.
