Dakar, 2 mai (SL-INFO) – La Commission ad hoc de l’Assemblée nationale sénégalaise, chargée d’examiner la demande de levée de l’immunité parlementaire du député Moustapha Diop, a rendu ses conclusions ce vendredi. À une large majorité (9 voix pour, 2 contre), la commission recommande à la séance plénière de lever l’immunité de l’ancien ministre, ouvrant ainsi la voie à une enquête judiciaire sur des présomptions de détournement de deniers publics dans la gestion des fonds alloués à la lutte contre la COVID-19.
Une affaire liée à la gestion des fonds COVID-19
La demande de levée d’immunité, formulée par le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, fait suite à une enquête de la Division des Investigations Criminelles (DIC) portant sur la gestion de 2,5 milliards de FCFA attribués au ministère du Développement industriel et des Petites et Moyennes Industries, alors dirigé par Moustapha Diop. Ces fonds étaient destinés à l’acquisition de masques dans le cadre du Fonds de riposte et de solidarité contre la COVID-19.
L’enquête a révélé plusieurs irrégularités. Moustapha Diop est accusé d’avoir nommé un gestionnaire en violation des dispositions réglementaires et d’avoir effectué des paiements en espèces, contournant les exigences de paiement par chèque ou virement prévues par le décret n°2020-978. Parmi les faits reprochés, des paiements en espèces de 20 millions de FCFA à Mariata Basse pour 50 000 masques et de 100 millions de FCFA à Ibrahima Fall, directeur de COMASET, pour 250 000 masques. De plus, un écart de 2 327 500 masques a été constaté dans la répartition des stocks, renforçant les soupçons de mauvaise gestion.
Conformément aux articles 61 de la Constitution et 52 du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale, qui exigent l’autorisation de l’Assemblée pour toute poursuite contre un député en période de session, la demande a suivi un processus rigoureux. Une convocation a été notifiée à Moustapha Diop via un huissier de justice, bien que ce dernier ait été difficile à joindre initialement. L’administration de l’Assemblée a finalement pu l’informer de son audition par la Commission ad hoc.
Lors de son audition, Moustapha Diop a contesté la procédure, dénonçant l’absence des procès-verbaux de l’enquête préliminaire dans le dossier transmis. Il a soutenu que les faits relevaient d’une simple faute de gestion, et non d’un délit pénal, et a plaidé pour la suspension de la procédure jusqu’à la production de ces documents. Il a également souligné qu’aucun fournisseur ne s’était plaint de défaut de paiement.
Débats animés au sein de la Commission
Les discussions au sein de la Commission ad hoc ont révélé des divergences. Certains membres ont estimé que la demande du Garde des Sceaux manquait de pièces probantes, notamment les procès-verbaux d’enquête préliminaire, pour garantir une défense équitable. D’autres, en revanche, ont défendu la nécessité de lever l’immunité, arguant que la gravité des faits et l’intérêt public justifiaient de laisser la justice suivre son cours. Ces derniers ont rappelé que la Commission ad hoc n’a pas vocation à se substituer à une commission d’enquête parlementaire, mais à évaluer la recevabilité de la demande.
Après des échanges nourris et une suspension pour concertation, la Commission a décidé, à une large majorité, de recommander la levée de l’immunité parlementaire de Moustapha Diop. Cette décision, motivée par le caractère « sérieux, sincère et suffisamment motivé » de la demande, vise à permettre à la justice de faire toute la lumière sur les faits reprochés.
La recommandation sera soumise à la séance plénière de l’Assemblée nationale pour un vote final. Si elle est adoptée, Moustapha Diop pourrait être poursuivi pour détournement de deniers publics, un délit prévu et puni par les articles 152 et suivants du Code pénal sénégalais.