Saint-Louis, 21 déc (SL-INFO) – Defa chante, Mamy Victory rappe et leur duo féminin est fusion: Def Mama Def reflète « le nouveau son du Sénégal », puisé dans un « patrimoine immatériel » aux racines de rythmes africains qui connaissent un succès planétaire.
Longtemps, les Dakaroises se sont tourné autour: une reconnaissance pour leur musique respective et une ressemblance capillaire – « on a souvent les têtes rasées », sourit Defa – ont d’abord fait d’elles des amies. Pendant sept ans, elles s’entraident dans leurs carrières solo. « La solidarité féminine », glisse Defa.
Jusqu’au jour où celui qui allait devenir leur producteur commun, Doudou Sarr, également créateur du Dakar Music Expo, les encourage à former un duo.
Def Mama Def trace depuis sa route, qui l’a fait passer en décembre par les Trans Musicales de Rennes dans l’ouest de la France: combinaisons léopard et énergie maximale, elles ont ambiancé l’un des halls du parc expo au cœur de la nuit, accompagnées d’un DJ, d’un batteur et d’un pianiste.
Se produire dans ce festival dénicheur de talents est « le fruit d’un bon travail qui prend forme », avait alors confié la formation féminine à l’AFP.
– « Sous nos pieds » –
Leur musique est une recette d’apports ancestraux et de rythmes contemporains, entre rap et R’n’B en wolof, percussions omniprésentes et sonorités électroniques. Résultat: une fusion bouillonnante qui sied à la scène et invite à la danse.
« Si on devait définir notre musique, ce serait comme un fleuve qui part de notre patrimoine immatériel, de notre culture, et qui coule vers de nouveaux horizons comme l’afrobeat, l’amapiano et tout ce qui se fait actuellement », esquisse Mamy Victory.
Pour construire ce « pont » entre « tradition et modernité », les deux artistes puisent dans un répertoire musical riche où défilent le roi du mbalax Youssou’N Dour, les groupes Xalam 2 et Orchestra Baobab ou encore la grande voix du jazz et du blues Aminata Fall.
« Souvent, les gens pensent qu’au Sénégal, il n’y a que le mbalax alors que c’est large! », rappelle Defa. Le binôme énumère la mosaïque sénégalaise: le yeela, le lebou, le bougarabou qui s’élève de Casamance…
« Par exemple, on a mixé du rap avec de l’assiko », danse traditionnelle plébiscitée dans les stades, démontre Mamy Victory.
« On s’est dit, pourquoi pas faire du tout en un? Pourquoi aller chercher loin alors qu’on a ça sous nos pieds? », retrace-t-elle.
Pour « Kalanakh », leur morceau le plus connu, le duo s’est ainsi basé sur les sonorités et rythmes des tambours sabar du percussionniste sénégalais Doudou N’diaye Rose, décédé en 2015 mais fait auparavant « trésor national vivant » par l’Unesco.
– « Renouveau » –
« En plus, en ce moment, tout le monde regarde vers l’Afrique: si on ne surfe pas sur cette vague, on passe carrément à côté », observe Mamy Victory.
Pour preuve, le succès international de la star nigériane Burna Boy, qui s’est largement inspiré de Fela Kuti, le père de l’afrobeat. Ce genre musical, venu du Nigeria et du Ghana au 20e siècle, mélange musiques traditionnelles, jazz, funk et chant.
D’autres styles ont émergé depuis, leur fusion ultime étant incarnée par l’afrobeats, avec un « s »: ce terme désigne un brassage de toutes les sonorités africaines. Devenu phénomène mondial, il se retrouve aussi bien chez le chanteur nigérian Wizkid que la star franco-malienne Aya Nakamura. Quant à l’amapinao, de plus en plus en vogue, il produit une house hybride née en Afrique du Sud.
« C’est comme un renouveau pour nous les Africains. Parce qu’à un moment donné, je pense que ça a stagné un peu et puis j’ai l’impression qu’on a fait notre choix: c’est nous, notre musique, notre style, notre culture », souligne Defa.
Les deux artistes précisent avoir également bénéficié de la sororité de la Franco-Béninoise Angélique Kidjo, qu’elles considèrent comme leur « marraine » dans la musique, là où la scène africaine reste majoritairement masculine.
Après des concerts en France, aux Pays-Bas et en Italie, Def Mama Def prépare un album pour 2025. En attendant, un remix de « Kalanakh » figure sur la dernière compilation « Nyamakala beats » (Blanc Manioc), déjà disponible.
AFP