Dakar, 06 août (SL-INFO) – Qui, des anciens présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall, a le meilleur bilan, notamment en matière d’infrastructures ? Cette question mérite d’être posée, d’autant plus que Sall, l’élève, a toujours été soupçonné de vouloir dépasser Wade, le maître. En outre, chacun de ces régimes a toujours exhibé ses réalisations comme étant un bilan qui parle de lui-même. C’est d’ailleurs leur principal argument politique en campagne électorale, mais aussi dans les débats face aux adversaires.
Abdoulaye Wade est connu pour ses grandes réalisations, dont les plus visibles sont l’autoroute à péage, l’aéroport Blaise Diagne (terminé par Macky Sall) ou le Monument de la Renaissance. En termes de mobilité, outre l’autoroute, Wade a aussi à son actif la Corniche Ouest et ses hôtels de luxe, un chantier confié à son fils Karim, qui a fait beaucoup de bruit. On peut citer également la VDN, la relance de la société publique de transport sous le nom de Dakar Dem Dikk, mais aussi le renouvellement du parc automobile qui a vu débarquer à Dakar, à partir de 2005, les minibus communément appelés Tata, du nom de la marque. Sur le plan maritime, il y a les travaux de réaménagement du port de Dakar.
Abdoulaye Wade compte également dans son bilan la création d’une compagnie aérienne nationale, d’abord sous le nom d’Air Sénégal, puis Sénégal Airlines, qui marque l’empreinte de Karim Wade. Me Wade a aussi réalisé le Grand Théâtre National, sans oublier le Monument de la Renaissance, très controversé à la fois sur le plan économique, religieux, historique et architectural. En matière de logement, le plan Jaxaay figure en bonne place dans son bilan.
Sur le plan éducatif, les infrastructures sont passées, entre 2000 et 2010, dans le préscolaire, de 449 à 1 958 écoles ; dans l’élémentaire, de 4 751 à 8 198 ; dans le cycle moyen, le Sénégal est passé de 455 à 917 établissements ; et enfin, dans le secondaire, de 111 à 326, selon des chiffres fournis lors d’une rencontre en 2013 à Genève par Sidiki Kaba, alors ministre de la Justice sous Macky Sall.
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S’agissant de Macky Sall, lui aussi a un bilan infrastructurel indéniable. C’était même une obsession chez lui, puisqu’il a lui-même fait son bilan à plusieurs reprises, surtout vers la fin de son régime. Les deux réalisations les plus emblématiques sont le TER et le BRT, avec 1 000 milliards pour le premier et plus de 300 milliards pour le second. La ville de Diamniadio, avec son centre de conférences, ses sphères ministérielles, son marché d’intérêt national et sa zone économique, est un des points forts de son bilan. Sur le plan sportif, il a trois stades à son actif, à savoir Dakar Arena, le stade Abdoulaye Wade et l’Arène nationale. L’ancien président a aussi marqué son empreinte sur les autoroutes avec Ila Touba et le prolongement du péage de Rufisque à Diamniadio. L’homme voudrait qu’on retienne de lui 500 km d’autoroutes, lorsqu’il déclare, dans son discours d’adieu du 31 décembre 2023 : « De 32 km d’autoroutes, nous en sommes à 189, et bientôt 500 km, à la fin des chantiers Mbour-Fatick-Kaolack et Dakar-Tivaouane-Saint-Louis. » Mais, puisque ces deux chantiers étaient loin d’une livraison, on retiendra les 189 kilomètres, qui constituent un bilan effectif.
Sur le plan routier, Macky Sall revendique un linéaire passé de 1 500 km en 2012 à 2 900 en 2023. À Dakar, il y a la VDN 3 ainsi que les autoponts un peu partout, notamment à la cité Keur Gorgui, à hauteur du cimetière Saint-Lazare, à Front de Terre, à Keur Massar…
À l’intérieur du pays, il y a le pont de Foundiougne, celui de Marsassoum, le pont Sénégambie ou encore le pont de Saint-Louis. Macky Sall revendique également que 3 328 kilomètres de routes ont été revêtus.
Sur le plan énergétique, le Sénégal dispose de 1 787 MW et d’un réseau de 1 552 km en 2023, contre 500 MW et un réseau vétuste de 501 km de lignes électriques en 2012, grâce aux centrales électriques de Bokhol, Malicounda, Taïba Ndiaye, Méouane et Mérina Dakhar.
Au vu de ce bilan, il semble que Macky Sall soit en avance. L’élève a donc dépassé le maître. Mais le vrai mérite d’Abdoulaye Wade réside dans le fait d’avoir montré la voie. Avant lui, certaines infrastructures étaient impensables au Sénégal. C’est lui qui a prouvé au peuple que c’était possible. En cela, il restera à jamais le premier.
Toutefois, pour l’un comme pour l’autre, on peut s’interroger sur les coûts et l’opportunité de certaines grandes infrastructures. Certes, presque toutes les réalisations ont fait l’objet de polémiques à chaud. Mais, avec le recul, on peut toujours se demander s’il était utile de mettre des centaines de milliards sur la Corniche juste pour préparer le sommet de l’OCI. Fallait-il mettre 17 milliards ou brader le foncier pour construire le Monument de la Renaissance ? Ces mêmes questions se posent pour le TER, un tronçon d’une trentaine de kilomètres pour 1 000 milliards. L’économiste Meissa Babou a raison de rappeler qu’avec une dizaine d’arrêts sur 30 km, un train ne peut pas être rapide. L’interrogation est également valable pour le BRT, 300 milliards pour seulement 18 kilomètres. Il en est de même pour l’opportunité d’avoir une compagnie aérienne nationale, d’autant plus que les deux régimes l’ont laissée dans un état de quasi-faillite à l’heure du départ.
Ainsi, le coût comme l’utilité de ces infrastructures se posent, sans oublier les conséquences. Après avoir bénéficié d’annulations de dettes au début des années 2000, le régime de Wade a connu un taux d’endettement de 21 % en 2006, puis d’environ 40 % en 2012.
Quant à Macky Sall, il a crevé le plafond de 70 % de l’UEMOA pour atteindre 74 %. La Cour des comptes a montré que c’était presque 100 %, avant que des agences de notation ne révèlent un taux de près de 120 %. Est-ce que cela en valait la peine ?
Seneweb