Dakar, 10 sept (SL-INFO) – Un important litige contractuel opposant l’Agence Sénégalaise d’Électrification Rurale (ASER) à la compagnie d’assurances Askia Assurances SA a pris un tournant judiciaire avec le déclenchement de procédures de saisie conservatoire et le dépôt d’une plainte au tribunal de commerce. Le conflit porte sur le remboursement d’une avance de plus de 1,7 milliard de FCFA, garantie par Askia, dans le cadre d’un projet d’électrification rurale qui a échoué.

Selon Libération, l’affaire trouve sa source dans un contrat de concession signé en 2013 entre l’État du Sénégal et le groupement Enco-Isofoton/Maroc pour l’électrification rurale des zones de Kolda et Vélingara. Entré en vigueur en avril 2015, ce projet prévoyait le raccordement de 20 500 abonnés solaires et devait être achevé en 30 mois. Il était financé par une subvention de l’Union européenne de 5,59 milliards FCFA.

Pour l’exécution du contrat, la société Kolda-Energy, agissant pour le compte du groupement, a reçu de l’ASER (maître d’ouvrage délégué) une avance de 1 741 892 694 FCFA. Conformément à l’usage, cette avance était couverte par une garantie de restitution souscrite par Kolda-Energy auprès d’Askia Assurances le 18 mars 2016.

En raison de la « non-réalisation des investissements convenus » et du défaut de raccordement du nombre minimal d’abonnés, le contrat de concession a été purement et simplement résilié le 8 avril 2021. La défaillance du concessionnaire Kolda-Energy a ainsi activé mécaniquement l’obligation de la garantie souscrite auprès d’Askia Assurances.

Dès le 19 novembre 2020, anticipant la résiliation, l’ASER avait formellement demandé à Askia Assurances d’honorer son engagement en remboursant l’avance, invoquant le caractère « irrévocable et autonome » de la garantie qui obligeait l’assureur à payer « à première demande » et sans aucune objection.

Malgré cette mise en demeure et au moins deux commandements de payer signifiés par huissier en 2021, Askia Assurances « ne s’est jamais acquittée de son obligation », selon l’ASER. Cette passivité a eu des conséquences directes pour l’agence, qui s’est vue mise en demeure par la Délégation de l’Union européenne, son bailleur de fonds. L’UE a finalement procédé, en avril 2021, à une compensation forcée en débitant le compte de l’ASER pour récupérer les fonds.

Face au refus persistant d’Askia Assurances de payer, l’ASER a décidé de recourir à la justice. Sur la base d’une autorisation présidentielle, elle a pratiqué une saisie conservatoire de 92 millions FCFA sur les comptes de l’assureur dans plusieurs établissements financiers en juillet 2024, une mesure destinée à garantir le recouvrement futur.

Parallèlement, l’ASER a déposé une plainte devant le tribunal de commerce. Elle demande le paiement de la somme principale de 1 741 892 694 FCFA, 500 millions FCFA à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, des intérêts de droit courants à partir de la première mise en demeure du 19 novembre 2020.

L’ASER fonde sa demande sur la force obligatoire du contrat (article 96 du COCC), estimant qu’Askia Assurances viole clairement ses engagements contractuels en refusant d’exécuter une garantie pourtant payable sur simple demande. L’issue de ce procès sera cruciale pour la sécurisation des investissements publics dans les projets d’infrastructure. 

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