Dakar, 7 avr (SL-INFO) – Les perspectives de la santé maternelle, néonatale et infantile dans les pays à revenu faible et intermédiaire, notamment en Afrique subsaharienne, sont critiques. En effet, le docteur Cheikh Mbacké Faye, chercheur principal à l’African Population and Health Research Center (APHRC) a mis en garde contre les effets potentiellement catastrophiques de la baisse des financements internationaux qui soutiennent une part importante des programmes de santé publique dans la région. Il s’est appuyé sur les premières conclusions du rapport Countdown Lancet 2025, qui projettent jusqu’à 15 millions de décès maternels d’ici 2030, en l’absence d’alternatives solides aux mécanismes actuels d’aide internationale.
Il s’est exprimé en prélude au lancement officiel du rapport Countdown Lancet 2025, dans le cadre d’une table ronde avec les médias.
« Ce chiffre est effrayant, mais il reflète une réalité qu’on ne peut plus ignorer. Même dans un scénario optimiste où les financements reprennent progressivement dans quelques années, des millions de vies seront perdues entre-temps. C’est dramatique », dit-il.
“Il est temps que les États et le secteur privé local reprennent la main”
Pour le chercheur sénégalais, “la crise actuelle est aussi une opportunité historique, celle de repenser le financement de la santé en misant sur la souveraineté sanitaire, un mot qui revient de plus en plus dans les discours politiques comme dans les stratégies nationales”.
Il a rappelé que les ménages sénégalais assurent à eux seuls près de 46 % des dépenses de santé, alors que l’État n’en couvre qu’environ un quart et le reste dépend des partenaires extérieurs. Une situation qu’il juge insoutenable, surtout face à la volatilité des appuis internationaux. « On ne peut pas continuer à confier la survie de nos systèmes de santé à des financements extérieurs. Nos concitoyens paient déjà lourdement pour se soigner, mais sans garantie de qualité ni d’accessibilité. Il est temps que l’État et le secteur privé local reprennent la main ».
Suggérant des pistes, le Dr Faye a insisté sur la digitalisation du système de santé pour améliorer la traçabilité, la qualité et l’accessibilité des soins, y compris par la télémédecine, la mobilisation des investisseurs locaux, à condition de rendre le secteur de la santé plus attractif économiquement, la valorisation de l’expertise nationale, souvent sous-utilisée, notamment dans les régions éloignées.
En outre, il est revenu sur les multiples barrières à l’accès aux soins, qui ne sont pas seulement économiques ou géographiques, mais aussi liées à la perception de la qualité, à la stigmatisation, voire à la peur des complications médicales dans certains établissements.« Même les services déclarés gratuits par l’État, comme la césarienne, sont en réalité souvent payants. Ce décalage entre les politiques annoncées et leur mise en œuvre alimente la méfiance et contribue indirectement à la mortalité maternelle ».
Enfin, le Dr Faye a évoqué les facteurs contextuels aggravants, comme le changement climatique, qui affecte directement la santé des femmes et des enfants, surtout dans les zones vulnérables exposées aux sécheresses, aux inondations ou à l’insécurité alimentaire.