Saint-Louis, 05 Fév (SL-INFO) – Les deux appareils de radiothérapie installés à l’hôpital Dalal Jam sont donc à l’arrêt. Non pas pour des besoins de maintenance, mais parce qu’ils sont en panne. Dakar, la capitale du Sénégal se retrouve ainsi sans cette machine, obligeant les malades à se rendre à Touba.
Le Directeur de l’hôpital donne plus d’informations à Seneweb. « Nous avons rencontré des problèmes récurrents de réseau et d’instabilité électrique, compromettant la qualité des images et menaçant les machines. Dans ces conditions, continuer à traiter les patients représentait un risque majeur pour eux comme pour les praticiens », explique-t-il.
La présidente de l’association « Cancer du Sein Sénégal »,  Mame Diarra Kébé, ajoute que sur les 4 appareils dont dispose le pays, il n’y a qu’un seul fonctionnel. C’est à peine croyable ! Quelques années après le grand bruit de l’absence d’appareil de radiothérapie, le Sénégal retourne au point zéro après avoir investi des milliards sur ces machines.
En 2017, la seule machine disponible au pays depuis 1989 était tombée en panne. Les malades étaient évacués au Maroc. Cela avait suscité une indignation populaire. Face à la polémique, le Sénégal a très vite engagé l’acquisition de deux machines. Le chef de l’Etat Macky Sall avait signé un décret d’avance le 22 février, pour un montant de 659 millions de FCFA afin de compléter les 2 milliards 766 millions nécessaires à l’acquisition des deux nouveaux appareils.
On croyait ne plus revivre une telle situation. Mais il a fallu au pays moins d’une décennie pour tomber à nouveau dans ses travers. En vérité, le Sénégal fait face à un mal profond, un cancer avancé : l’absence de maintenance. Le pays est capable d’investir des milliards dans des infrastructures ou du matériel, mais il est incapable d’en assurer la maintenance. L’exemple m’a été donné le jour de l’inauguration du Grand Théâtre. Le public venu nombreux a bouché les urinoirs des toilettes. Pour autant, les gens n’ont pas arrêté. Une fois les urinoirs pleins, ils ont continué à pisser jusqu’à couvrir le plancher d’urine. Le liquide commençait même à déborder des toilettes vers le couloir.
Les photos des toilettes de l’hôpital Le Dantec partagées par le député Pape Djibril Fall en est une autre illustration. C’est pourquoi d’ailleurs, vers la fin de son mandat, à chaque fois que le président Macky Sall livrait une infrastructure ou des équipements, il a toujours insisté sur la nécessité d’en assurer la maintenance pour une utilisation pérenne.
Malheureusement, cet appel récurrent ne sert pas souvent à grand-chose. Le Sénégal et les Sénégalais ont divorcé avec la maintenance depuis belle lurette, particulièrement dans le public. Ce cancer va de l’école primaire ou la case de santé au méga-infrastructure. Beaucoup de milliards sont régulièrement réduits à néant parce que la maintenance n’a pas suivi la livraison.
Aux sphères ministérielles de Diamniadio où des centaines de milliards ont été dépensés, l’intersyndicale des travailleurs du secteur primaire a fait état, en janvier 2024, d’un défaut de maintenance, à peine deux ans après la livraison. Il s’agit d’ascenseurs à l’arrêt, de climatiseurs défectueux, des coupures d’eau et d’internet à la sphère baptisée au nom du socialiste Ousmane Tanor Dieng.
« Il est impensable que dans des bâtiments de 8 étages, les ascenseurs soient à l’arrêt obligeant les agents à prendre les escaliers. Dans les bureaux, la climatisation ne fonctionne pas et il n’y a pas d’eau avec des odeurs nauséabondes dues à l’absence d’entretien des toilettes, rendant les conditions de travail insoutenables. C’est vraiment la catastrophe totale », s’indignait le syndicat.
Dans le secteur de la santé, les raisons des pannes des appareils sont nombreuses. Dans un article publié par Seneweb en avril 2021, certains acteurs pointent du doigt la surexploitation des machines qui fonctionnent plus que ce qui est prévu. Mais le syndicaliste Cheikh Seck révélait aussi des deals dans l’acquisition des équipements, avec des fournisseurs qui sont plus des commerçants que des professionnels. Ce qui fait qu’en cas de panne, le fournisseur n’a aucune expertise pour venir en aide au client. Ce qui occasionne beaucoup de dépenses supplémentaires, avec souvent des déplacements à l’étranger pour chercher une pièce, parfois sans succès.
A cela s’ajoutent l’absence de budget de maintenance et surtout un personnel qualifié. En effet, le personnel n’a pas toujours des compétences à jour pour certains appareils. Docteur Amadou Yeri Camara, SG du Sames à l’époque, demandait même la rénovation de l’école de maintenance située à Diourbel.
Mais avant même la maintenance, on peut s’interroger sur la capacité d’installation. Il est en effet inconcevable qu’un problème de réseau affecte le fonctionnement des machines à Dalal Jam. Idem pour l’électricité. Mettre presque 3 milliards sur des appareils sans garantir la fourniture en électricité est un problème. Ne pas prévoir des onduleurs et des régulateurs est encore plus grave. Mais tout cela revient en quelques mots : négligence, légèreté, absence de respect pour le bien public.

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