Saint-Louis, 21 déc (SL-INFO) – L’air perplexe, le douanier extirpe, de la valise d’un Afghan descendu d’avion, un sac plastique rempli de petits blocs compacts, blancs neige, durs comme du bois. Du « yaourt séché », comme l’affirme le voyageur fébrile, ou l’une de ces énièmes cargaisons de drogue qui transitent en quantités toujours plus grandes par l’aéroport de Roissy ?
Emportant le produit douteux dans une arrière-salle, le fonctionnaire en effrite difficilement un bout avec le manche d’un couteau. Il frotte cette poudre avec une languette, la glisse dans un détecteur. Pas de réaction chimique. « Non, c’est pas des stups ! » lance-t-il.
Car la méfiance est de mise à l’aéroport Charles-de-Gaulle, le plus grand de France avec 67,4 millions de passagers annuels. Depuis plusieurs mois, la plateforme se trouve confrontée à une forte augmentation de passeurs de drogue – les « mules » en jargon policier -, un phénomène ancien mais dont l’intensification met les autorités aéroportuaires sous pression.
À fin novembre, le parquet de Bobigny, compétent pour Roissy, avait déjà recensé 250 procédures concernant des mules en 2024 contre 211 pour toute l’année 2023, soit une augmentation de 18% avant même le mois de décembre, selon ses chiffres communiqués à l’AFP.
Derrière ce boom des mules se lit surtout l’explosion de la consommation de cocaïne sud-américaine en France et en Europe. Face à la saturation du marché américain, la poudre blanche inonde de plus en plus le prometteur marché du Vieux Continent, traquant la moindre faille pour s’y déverser.
« On n’a jamais fait autant de cocaïne à Roissy », constate Simon Decressac, directeur des douanes pour la partie voyageurs de l’aéroport. Refusant de divulguer les chiffres de saisies de l’année en cours, il reconnaît tout de même une « augmentation à deux chiffres » en 2024 par rapport au 700 kilos de cocaïne découverts sur des voyageurs en 2023.
Sur les vols au départ de Colombie, la drogue est généralement cachée dans des valises tandis que les vols brésiliens se caractérisent surtout par la récurrence de « bouletteux » ayant ingéré des capsules de cocaïne compressée et protégée par une gangue de plastique dur – une enveloppe plus fiable que les préservatifs utilisés autrefois, qui menaçaient de rompre et tuer le porteur.

– Jeunes et pauvres –

« 90% (de la drogue) passe par les routes maritimes et terrestres. Par voie aérienne, on n’a vraiment qu’une toute petite partie du spectre », rappelle Philippe Zeinulabedin-Rafi, chef de division des douanes à Roissy.
Mais avec le resserrement des contrôles dans les ports européens et depuis certains aéroports de départ comme la Guyane, le narcotrafic cherche « à démultiplier les canaux d’irrigation du marché », dit-il. Or, « faire passer des petites quantités, c’est quand même s’octroyer la garantie qu’il y ait techniquement de la quantité qui passe régulièrement ».
La plus importante filière de mules à Roissy est cependant non pas l’Amérique du Sud, mais l’Afrique occidentale. Une situation qui s’explique par l’utilisation du continent africain comme région de rebond pour la drogue latino-américaine.
Chair à canon des narcotrafiquants, qui les payent quelques milliers d’euros pour le voyage et les abandonnent à leur sort en cas d’arrestation, les mules sont généralement des personnes jeunes, pauvres, avec une nette majorité de femmes.
La semaine dernière, une jeune passagère de 23 ans en provenance de São Paulo, peu habituée à voyager en avion, a ainsi été prise d’une crise de panique en ne trouvant pas la sortie du terminal à Roissy. En pleurs, elle s’est rendue aux douaniers qui ont découvert sur elle 2,2 kilos de cocaïne serrés dans une gaine contre sa peau.
Les cas de drogue avalée ou cachée dans tous les orifices possibles du corps nécessitent un lourd processus de prise en charge médicale de la part des autorités aéroportuaires, ce qui mobilise plusieurs agents pendant de longues heures.
Pour Emmanuel Bizeray, chef des services douaniers du terminal international 2E de Roissy, « il faut quand même rappeler aux consommateurs que quand ils sniffent de la cocaïne, c’est souvent passé par l’anus d’une personne qu’ils ne connaissent pas ».AFP

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