Dakar, 29 mai (SL-INFO) – Le 25 mars dernier, après une victoire peu convaincante face au Togo (2-0), les critiques se sont toutes tournées vers Sadio Mané. En cause, le maître à jouer de l’équipe du Sénégal sortait non pas d’une rencontre ratée, mais de quatre prestations bien ternes sous la tunique des Lions. Sa forme physique a été pointée du doigt et son « immunité » remise en question. Attendu au tournant, notamment face à l’Angleterre, Sadio Mané a décidé de décliner la convocation de Pape Thiaw, ravivant le débat : simple pause ou signe d’un déclin ? Une opportunité pour la nouvelle génération ou un risque à l’approche de la CAN ?
« Je suis le joueur le plus critiqué du Sénégal, mais ça ne me dérange pas. » C’est ainsi que réagissait laconiquement Sadio Mané au lendemain du match face au Togo, preuve que les critiques récentes avaient bien atteint leur cible. Ces critiques, devenues récurrentes, marquent une première en dix ans : Sadio Mané est resté quatre matchs sans contribution offensive (but ou passe décisive) avec les Lions et sans réellement impacter le jeu de son équipe. À 33 ans, exilé en Arabie Saoudite depuis près de deux ans, l’heure n’est-elle pas venue pour lui de passer le flambeau aux jeunes ? Une réflexion renforcée par les récentes performances de ses « successeurs ». Le premier, Iliman Ndiaye, a brillé avec Everton, jouant presque toute la saison à gauche de l’attaque, poste occupé par Mané en sélection. Les deux autres, Assane Diao et Ismaila Sarr (qui évoluent plus souvent à droite), ont également excellé en club cette saison. Avec la nouvelle génération, notamment Nicolas Jackson, Cheikh Sabaly, Papa Diallo, Idrissa Guéye ou encore Yaya Diémé, le Sénégal montre qu’il dispose de ressources pour envisager l’après-Mané.
Mais réduire Sadio Mané à ses quatre derniers matchs avec le Sénégal serait réducteur. S’il n’a pas brillé avec les Lions, le Sénégalais a performant avec Al-Nassr. Après sa période de disette et son match manqué face au Togo, Mané a disputé 10 matchs en club, inscrivant 9 buts et délivrant 4 passes décisives. Avant ces quatre matchs décevants avec le Sénégal, il totalisait 9 buts et 4 passes décisives en 14 matchs avec les Lions. Cette différence notable pousse à s’interroger sur la mise en place tactique ou l’utilisation de l’ailier sénégalais. Une analyse des dernières prestations de Mané offre un début de réponse.
En effet, ces quatre matchs ternes du joueur d’Al-Nassr coïncident avec les performances les plus laborieuses de l’équipe du Sénégal. Cela témoigne, une fois encore, de la dépendance quasi chronique des Lions à la forme de leur numéro 10. Quand Sadio Mané passe à côté, c’est toute l’équipe qui déçoit, malgré les autres joueurs de qualité.
Cette importance, Mohamed Ghandour, consultant et spécialiste de l’équipe nationale à la RTS, l’a également soulignée. Pour lui, Sadio Mané restera le facteur X de l’équipe, mais il est nécessaire de construire un collectif moins dépendant. « Sadio Mané continuera d’être indispensable à cette équipe du Sénégal pendant encore un certain temps. Tant qu’il sera là, il sera le leader technique. Mais la relève d’un joueur de cette trempe aurait dû être préparée depuis longtemps, dès la fin de l’ère Aliou Cissé et le début de celle de Pape Thiaw. Il faudrait travailler intelligemment pour que l’équipe du Sénégal puisse se passer de Sadio Mané », a déclaré Ghandour à Seneweb. Il estime que Pape Thiaw devrait appliquer la même démarche pour d’autres cadres vieillissants, comme Kalidou Koulibaly ou Idrissa Gana Guéye.
Le repositionnement tactique, la solution ?
Il faudra donc compter sur Sadio Mané pour les prochaines échéances, notamment la CAN au Maroc. Mais le joueur d’autrefois n’est plus celui d’aujourd’hui. Pour tirer le meilleur de lui, Mohamed Ghandour suggère à Pape Thiaw un repositionnement tactique. Exit le poste d’ailier, le consultant souhaite voir Mané dans l’axe. « Ce n’est plus le Sadio tonique, vivace et solide qui éliminait ses adversaires en un contre un. Il a perdu beaucoup en vitesse, en percussion et en dribble. Le repositionner en numéro 9 serait, pour moi, une très bonne option pour lui et l’équipe nationale », pense-t-il. Ce repositionnement dispenserait Mané des efforts défensifs, mettant en valeur sa vision du jeu, son expérience et son sens du but. On se rappelle qu’en janvier 2022, à l’arrivée de Luis Diaz à Liverpool, Jürgen Klopp avait repositionné Mané à la pointe de l’attaque. Une décision fructueuse, puisque le double Ballon d’Or africain avait retrouvé son éclat, terminant 2e au Ballon d’Or après la finale de la Ligue des champions.
Pour l’instant, Pape Thiaw devra s’appuyer sur d’autres joueurs pour les matchs face à l’Irlande et l’Angleterre. Ismaila Sarr, Iliman Ndiaye, Abdallah Sima et Cheikh Tidjane Sabaly sont les ailiers convoqués. Sadio Mané devrait normalement faire son retour lors de la trêve de septembre, pour les matchs contre le Soudan et la RD Congo en éliminatoires de la Coupe du monde 2026.
À ce moment, Pape Thiaw devra choisir entre privilégier la nouvelle génération ou continuer à s’appuyer sur ses cadres. Il n’existe pas de solution miracle, seulement un équilibre à trouver. Certaines équipes ont réussi en misant sur des joueurs expérimentés, comme l’Argentine avec Lionel Messi (37 ans), qui a remporté deux Copa América et la Coupe du monde 2022. À l’inverse, le Portugal, malgré sa génération dorée, a enchaîné trois échecs (Euro 2020, Coupe du monde 2022, Euro 2024) en s’appuyant sur Cristiano Ronaldo (39 ans). Au Sénégal et à Pape Thiaw de trouver le juste équilibre.
Seneweb