Mbane, 23 juin (SL-INFO) – Dans une lettre adressée au président Diomaye Faye, le Professeur Aliou Diack, responsable du Département de Génie Civil à l’École Polytechnique de Thiès et ancien président de la Communauté rurale de MBANE, lance une alerte grave sur la situation foncière dans cette région du nord du Sénégal. Il dénonce un accaparement massif des terres, mené selon lui par de puissants acteurs de l’agro-business, au mépris des droits des populations locales et de l’équilibre environnemental.
« La gestion désastreuse du foncier continue avec le dépeçage de MBANE, » affirme-t-il. Le professeur rappelle que, lors de sa visite des installations hydro-agricoles de la Compagnie Sucrière Sénégalaise (CSS) dans la zone du BARDIAL, il a constaté que ces terres, spoliées en 1986 aux populations de NDOMBO SANDJIRY, sont aujourd’hui occupées de manière illégale. « La CSS occupe présentement plus de 12 000 hectares dans une zone de terroir, alors que la loi l’interdit, » dénonce-t-il.
Il rappelle également que la CSS, qui avait obtenu un décret pour diversifier ses cultures, n’a pas respecté ses engagements : « Au lieu de tomates et de maïs, elle continue de cultiver de la canne à sucre, sans aucune régularisation. » Selon lui, cette situation perdure depuis plus de 55 ans, avec des conséquences économiques et sociales désastreuses.
Le professeur dénonce la manière dont des terres ont été octroyées de manière opaque, notamment par le conseil municipal de MBANE, qui aurait octroyé 1 026 hectares à la CSS « en catimini ». Il souligne que « la CSS occupe plus de 30 000 hectares dans le département de Dagana, dans une opacité totale », et que cette occupation représente près de 40 % de la superficie de RICHARD-TOLL.
Il évoque aussi des cas de négociations douteuses, comme celle d’un chef de village qui aurait vendu ses terres pour une somme dérisoire, ou encore des intimidations violentes, avec la complicité de certains agents de l’administration locale. « Un maire armé, accompagné d’un employé armé, est venu délimiter des terres en pleine journée, sous la protection d’un sous-préfet, » relate-t-il.
Le professeur insiste sur le fait que ces actes violent la loi sénégalaise, notamment la loi N°64-46 du 17 juin 1964, qui interdit toute transaction sur les terres de domaine national en zone de terroir. « Ces conventions sont illégales, » affirme-t-il, citant également le document de la Commission Nationale de Réforme Foncier (CNRF), qui recommande un audit foncier préalable à toute affectation.
Il conclut en appelant à une intervention ferme du Président de la République : « Je vous demande, Excellence, de faire en sorte que le Gouverneur de Saint-Louis refuse d’approuver la délibération du conseil municipal de MBANE, et d’ordonner un audit exhaustif de la gestion des terres dans tout le département de Dagana. »
Ce cri du cœur témoigne des tensions croissantes autour du foncier dans cette région du Sénégal, où l’histoire de spoliation, d’injustice et d’abus menace la stabilité sociale. Le professeur Aliou Diack espère que cette lettre contribuera à sensibiliser les autorités et à préserver les droits des populations rurales face à une expansion incontrôlée de l’agro-business.