Dakar, 27 juin (SL-INFO) – Dans l’imaginaire collectif, les flux d’argent sont censés irriguer les territoires dans une logique de développement équilibré. Mais au Sénégal, un phénomène inverse s’installe insidieusement : les transferts inter-villes dessinent une géographie financière centripète, où Dakar joue le rôle d’un aimant économique. À travers les dépenses de santé, les inscriptions scolaires, les démarches administratives ou encore les retraits de prestations sociales, des centaines de milliers de familles régionales envoient chaque mois de l’argent vers la capitale. Résultat : des flux persistants qui alimentent Dakar, tout en vidant les poches locales.
Le coût d’un dossier de bourse universitaire ? Payé à Dakar. L’hospitalisation d’un proche pour un traitement spécialisé ? Direction un hôpital de la capitale. Les services fiscaux compétents pour certaines démarches ? Encore à Dakar. Dans un pays où 65?% de la population vit hors de la région de Dakar, cette centralisation fonctionnelle engendre des transferts financiers massifs. Selon une estimation de la Direction de la planification et des politiques économiques, près de 25 % des dépenses monétaires inter-régionales transiteraient vers Dakar pour des raisons administratives, médicales ou éducatives. Ces transferts, invisibles dans les bilans nationaux, creusent pourtant une forme de fracture économique silencieuse : celle d’un centre sur-sollicité et de périphéries économiquement vidées.
Ce drainage constant de fonds nourrit un cercle vicieux. Faute de services publics suffisants dans les régions, les familles sont contraintes de se tourner vers la capitale, amplifiant ainsi les dépenses “exportées” hors de leur territoire. Dans le même temps, les commerces et prestataires de services dakarois prospèrent grâce à une clientèle venue d’ailleurs, qui n’a parfois d’autre choix que de consommer sur place. Cette dépendance financière déséquilibre les dynamiques locales, accentue l’exode économique vers Dakar, et prive les économies régionales de leur propre capacité d’accumulation. Pour beaucoup d’analystes, il devient urgent de rééquilibrer les flux, non seulement en déconcentrant l’administration et les services de base, mais aussi en favorisant des circuits économiques régionaux capables de retenir les richesses produites sur place. Sans cela, la centralisation économique pourrait devenir un véritable piège structurel.

Seneweb

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