Dakar, 24 avr (SL-INFO) – Signe du changement de ton de l’Afrique du Sud sur le conflit en Ukraine, le président ukrainien Volodymyr Zelensky est pour la première fois jeudi à Pretoria, qui a longtemps affiché des positions pro-russes.
Conséquence des frappes nocturnes russes sur Kiev, les plus meurtrières depuis des semaines, la première visite du chef d’Etat ukrainien sur le continent africain est écourtée.
Elle intervient deux mois après le vote inédit par l’Afrique du Sud d’une résolution de l’ONU qualifiant la guerre « d’invasion totale de l’Ukraine » par la Russie et « réaffirmant son attachement » à l' »intégrité territoriale » du pays.
« Il est important que nous nous rapprochions d’une paix véritable », a écrit Volodymyr Zelensky sur les réseaux sociaux à son arrivée.
Le revirement est frappant pour l’Afrique du Sud, dont le président Cyril Ramaphosa qualifiait encore en octobre Moscou d' »allié et ami précieux » au sommet des Brics.
Cette proximité affichée a valu des accusations de livraisons d’armes à un cargo russe, le Lady R, ayant mouillé au Cap (Afrique du Sud) en décembre 2022. Des accusations lancées par l’ex-ambassadeur des Etats-Unis.
« L’Afrique du Sud a été critiquée pour avoir adopté une position assez ambiguë sur la façon de définir le conflit » en Ukraine, observe Priyal Singh, chercheur à l’Institut pour les études de sécurité à Pretoria, pour qui le vote de la résolution « a mis les choses au clair ».
La présidence sud-africaine dément tout changement, qualifiant la visite de « poursuite des efforts pour tenter d’apporter une solution pacifique », comme « depuis le début », selon son porte-parole.
– Cibles de Trump –MM. Zelensky et Ramaphosa ont en commun d’être des cibles récurrentes de Donald Trump.
Il a qualifié Volodymyr Zelensky de « dictateur », accusé Pretoria de commettre un « génocide » contre les Blancs et critiqué la plainte, regrettable à ses yeux, déposée par l’Afrique du Sud contre Israël devant la Cour internationale de justice.
Vu « la détérioration très rapide des relations entre Pretoria et Washington, l’Afrique du Sud essaie assurément de trouver un terrain d’entente avec ses partenaires européens », l’UE étant son premier partenaire commercial, analyse Priyal Singh.
« La contradiction entre la position de l’Afrique du Sud sur Gaza et celle sur l’Ukraine a évidemment tendu les relations », ajoute-t-il, rappelant son positionnement d’emblée « très clair et de principe » sur les bombardements de l’enclave palestinienne par Israël.
L’inflexion est remarquée côté européen: « Il s’agit d’une étape positive », juge à propos de la visite ukrainienne le chef de mission adjoint de l’UE en Afrique du Sud, Fulgencio Garrido Ruiz.
Pretoria est devenu « beaucoup plus cohérent » dans « ses positions d’appel au dialogue et de médiation », estime Gustavo de Carvalho, chercheur à l’Institut sud-africain des Affaires internationales, qui fait remonter l’évolution à 2023.
Il y a près de deux ans, Cyril Ramaphosa avait mené une délégation de chefs d’Etat africains à Saint-Pétersbourg (Russie) puis Kiev, pour appeler les deux côtés à la négociation.
– « Vision naïve » –Cette posture n’est « pas simplement une vision naïve », explique Gustavo de Carvalho, mais le fruit de « l’expérience de la transition plutôt douce en Afrique du Sud dans les années 1990 » à l’issue de l’apartheid.
A Pretoria, Volodymyr Zelensky pourrait demander à être invité au sommet du G20 à Johannesburg prévu en novembre, d’après Fulgencio Garrido Ruiz.
La visite s’inscrit aussi dans une riposte de Kiev à la « stratégie de communication très agressive de la Russie en Afrique », ajoute le diplomate européen, rappelant le grand nombre de nouvelles ambassades ukrainiennes ouvertes sur le continent.
Loin de tourner le dos à Moscou, Cyril Ramaphosa a appelé lundi son homologue russe Vladimir Poutine pour « affirmer les solides relations » entre les deux pays, selon un communiqué.
Ce lien persistant s’explique, selon Priyal Singh, par l' »internationalisme progressiste » au coeur de la politique étrangère sud-africaine, qui est d’après lui une « vision très binaire du monde » distinguant « les puissances impériales et tous les autres opprimés ». Sur la base de ce logiciel, « pas mis à jour depuis les années 1980 » et « enraciné dans la guerre froide », sans oublier le précieux soutien de Moscou sous l’apartheid, « l’ANC (le parti au pouvoir en Afrique du Sud) ne verra jamais la Russie comme une puissance impériale ».

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