Dakar, 16 Oct (SL-INFO) – La récente décision de l’agence de notation Moody’s de dégrader la note souveraine du Sénégal suscite une vive réaction d’indignation et d’inquiétude au sein du secteur privé sénégalais et africain. Interrogés par Jeune Afrique dans le cadre d’un article sur cette dégradation, plusieurs figures du monde des affaires ont exprimé leur frustration face à ce qu’ils considèrent comme une mauvaise lecture de la réalité économique du pays.

Pour certains acteurs du secteur privé, la décision de Moody’s frise l’« acharnement ». C’est le sentiment partagé par Abdou Cissé, président des actuaires au sein de la Fédération des sociétés d’assurances de droit national africaines (Fanaf). Dans les colonnes de Jeune Afrique, il s’interroge : « L’agence a baissé la note en février après la révélation de la dette cachée. Mais maintenant, rien n’a changé fondamentalement, alors pourquoi ? »

Même son de cloche du côté de Pierre Goudiaby Atepa, président du Club des Investisseurs Sénégalais (CIS) et ancien président de la BRVM. Il « déplore » cette dégradation additionnelle qui « montre bien l’incapacité des agences internationales à comprendre les contextes et les environnements des économies africaines ». Il pointe une décision « surtout basée sur l’interprétation biaisée de Moody’s de la capacité des nouvelles autorités sénégalaises à redresser l’économie ».

Ce sujet brûlant de la notation et de ses conséquences sera d’ailleurs au centre des débats lors des Assises de l’entreprise, le rendez-vous annuel du Conseil national du patronat du Sénégal (CNP), présidé par Baïdy Agne, qui se tiennent ces 16 et 17 octobre à Dakar.

Si Pierre Goudiaby Atepa assure, auprès de Jeune Afrique, que l’impact immédiat pour les entreprises qui empruntent en monnaie locale est « limité », d’autres acteurs mettent en garde contre les répercussions à moyen terme. « Certes, il n’y a pas vraiment d’impact immédiat. Mais il y a un risque, à moyen terme, de voir les taux d’intérêt augmenter, rendant les emprunts plus difficiles », anticipe Omar Cissé, patron d’Intouch.

Les conséquences sont déjà concrètes pour certaines entreprises. Alla Sène Gueye expose : « Pour les opérateurs qui empruntent à l’étranger, via le crédit export notamment, les répercussions sont déjà visibles. Certains assureurs ont indiqué ces derniers jours qu’ils refusaient de couvrir les banques voulant financer des acteurs sénégalais. » Un bailleur de fonds sollicité par la publication résume la situation : « Les grandes entreprises, notamment celles qui lèvent de l’argent sur les marchés, seront affectées à moyen ou long terme par la dégradation de la note souveraine du Sénégal. Leur risque crédit va immanquablement être revu à la hausse. » Cette hausse de risque concerne notamment les banques et les entreprises actives dans les Partenariats Public-Privé (PPP), notamment dans l’énergie et le BTP.

La décision de Moody’s est perçue par de nombreux patrons comme une inquiétude supplémentaire, d’autant plus que le secteur privé redoute les hausses d’impôts annoncées par l’exécutif. Le bailleur de fonds alerte sur la situation : « On parle beaucoup de la dette extérieure, mais la dette intérieure, ce sont les entreprises qui sont au bord de la faillite. D’un côté, l’État ne paie pas ses factures ; de l’autre, il augmente les impôts. C’est la double peine. »

Pour faire face à cette situation, Pierre Goudiaby Atepa estime que la solution réside dans une double action : investir dans la formation pour augmenter la capacité de revenus fiscaux et renforcer les mesures de contrôle budgétaire, mais aussi encourager les pays africains à « se concentrer sur l’obtention de notations financières dans leurs propres monnaies et les proposer aux investisseurs comme mesure d’évaluation de leur capacité et de leur volonté à faire face à leurs obligations financières. »

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