Dakar, 27 nov (SL-INFO) – L’arrivée de camions citernes à Bamako permet une nette amélioration de la disponibilité de carburant depuis deux jours. Après le léger mieux déjà constaté depuis deux semaines, ce nouvel élan suscite l’enthousiasme, mais se limite pour le moment à la capitale. Les dispositifs administratifs et militaires récemment mis en place semblent porter leurs fruits. Selon les autorités de transition, l’approvisionnement en carburant serait même supérieur à ce qu’il était avant le début du blocus imposé par les jihadistes du Jnim depuis début septembre. Mais les chiffres présentés ne correspondent pas à la réalité. « J’ai pu faire le plein en vingt minutes », se réjouit un Bamakois qui n’en revient toujours pas. Les nombreux habitants de la capitale joints par RFI témoignent, depuis le début de la semaine, d’une « nette amélioration », d’une « réduction des files d’attente », d’une augmentation du nombre de stations ouvertes et d’une reprise significative du trafic routier. S’ils ne cachent pas leur satisfaction, tous s’interrogent également sur la durée de cette amélioration. « Tant qu’il faudra des escortes militaires pour sécuriser les convois, il sera difficile de revenir à la normale », s’inquiète l’un des Bamakois interrogés.
 
Après les 82 citernes nigériennes réceptionnées samedi 22 novembre à Bamako, une vingtaine de camions remplis de carburant sont arrivés à Ségou mardi 25 novembre. À Mopti, en revanche, les sources jointes par RFI déplorent un « statu quo » : ni essence, ni électricité depuis 50 jours – depuis le 7 octobre précisément. « C’est la souffrance et la résignation », s’attriste un notable de la ville. Lors du comité interministériel de gestion des crises qui s’est tenu mardi, le gouvernement du Mali s’est « engagé à garantir dans les meilleurs délais l’acheminement des hydrocarbures » dans les villes du sud et du centre du pays les plus affectée. Le journal d’État L’Essor cite notamment Mopti, San, Koutiala, Nara et Dioïla.
 
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Africa Corps et dédouanement accéléré
« Les nouvelles dispositions sécuritaires avec l’Africa Corps et les nouvelles procédures de dédouanement ont beaucoup amélioré l’approvisionnement », explique un économiste malien. La semaine dernière, en effet, la Russie a annoncé l’implication de ses soldats dans les escortes militaires qui accompagnent désormais systématiquement les camions citernes. « Des contrôles ont été mis en place le long des trajets des convois, avait déclaré jeudi 20 novembre dernier la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, ainsi qu’une escorte terrestre et aérienne et des opérations de recherche. »
 
Vendredi 21 novembre, un accord a par ailleurs été signé entre le gouvernement et les organisations professionnelles du secteur pétrolier, pour ramener de 72 à 24 heures le délai d’attente des citernes à la douane. Car, selon les autorités, la pénurie de carburant serait moins liée au blocus jihadiste imposée par le Jnim (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans) et aux attaques contre les camions citernes, qu’à la longueur des procédures administratives et à la fraude – au détournement des stocks à destination du marché noir notamment.
 
Pour rappel, depuis début septembre, les autorités gouvernementales ou militaires de la transition ont successivement accusé la saison des pluies, les opérateurs économiques, les fraudeurs et les puissances étrangères « sponsors des terroristes » d’être responsables des difficultés d’approvisionnement du pays en carburant.
 
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Plus de citernes qu’avant la crise ?
« Le nombre de citernes qui entrent par semaine actuellement est nettement supérieur au nombre de citernes qui entraient dans notre pays avant la crise », a même déclaré vendredi le ministre de l’Industrie et du commerce, Moussa Alassane Diallo. Le directeur général des douanes a quant à lui précisé, lundi 24 novembre sur les ondes de l’ORTM, avoir enregistré un volume « exceptionnel » d’importations au mois de novembre : « plus de 117 millions de litres, contre une moyenne en temps normal de 80 à 90 millions de litres »,  selon l’inspecteur général Amadou Konaté. Un record attribué principalement à l’augmentation des escortes militaires.
 
De quoi susciter l’espoir et l’adhésion des Maliens, et le doute également. « Cela signifierait que les importations à partir de la Côte d’ivoire, du Bénin, du Togo et du Ghana ont plus que doublé, décrypte un économiste malien, puisque le corridor Dakar-Bamako qui fournit habituellement plus de la moitié des hydrocarbures importées au Mali est fermé. » Une hypothèse manifestement douteuse, selon cet expert du secteur.
 
Décalage dans les chiffres
« La crise a permis de déceler la fraude, mais les importations ne sont pas supérieures à avant la crise », reconnaît une source sécuritaire malienne. « Il y a beaucoup de carburant, de là à dire que c’est plus qu’avant, je ne saurais l’affirmer », tente pour sa part un membre éminent du Conseil national de transition, très impliqué sur le sujet. Un pilier de l’opposition politique malienne pro-démocratie dénonce la « propagande » des autorités de transition : « Ces chiffres ne sont pas crédibles, estime cette source, ou alors, cela veut dire que le carburant qui entrait auparavant servait la corruption de ces mêmes autorités. »
 
« Ce n’est pas le cas », tranche finalement une source au service des douanes de Bamako, expliquant que « les chiffres de novembre incluent des importations du mois d’octobre qui n’avaient pas été déclarées ». Un décalage que cette source attribue à « la situation d’urgence ».
 
En tout état de cause, les autorités de Transition affichent leur volonté de mettre un terme à la pénurie de carburant dans les prochains jours. Les jihadistes du Jnim ont, quant à eux, annoncé un durcissement à venir du blocus. Au-delà des déclarations d’intention, les Maliens jugeront sur le temps long, à Bamako et en région.

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