Saint-Louis, 11 sept (SL-INFO) – Né en 1840 à Ndankh Naar, dans l’ancien royaume précolonial du Cadior, situé à 5 km de Ngaye-Mékhé (région de Thiès), Cheikh Abouh Mouhammed Kounta a tôt fait d’attirer l’attention sur lui par une vie d’ascète, principale caractéristique des grands érudits. Selon des témoignages, son alimentation était proche de celle des nomades, car il se nourrissait de lait et de galettes. Accessoirement, il consommait de la viande de chameau ou de mouton. Après cette vie spartiate dans son royaume d’enfance, Cheikh Abouh Mouhammed Kounta est envoyé en 1847dans le village de Sira en Mauritanie.
C’est Ahmadou Dawga, un très grand maître coranique, qui est chargé de lui inculquer le savoir et la maîtrise de la langue arabe. Toutefois, au bout de quelques jours, il fut retourné à Ndankh auprès de son grand Cheikhal Bécaye, fils ainé de Cheikh Al Bounama car le maitre n’avait pas grand-chose à l’apprendre, indique un document. Et pour cause, souligne la source, Cheikh Abouh Mouhammed était plein de Lijaba (connaissance). Du coup, son frère Cheikhal Bécaye exécute les recommandations de son père qui étaient de ne point fatiguer l’enfant et de l’amener chaque vendredi sur sa tombe pour qu’il s’abreuve de son savoir. Ce faisant, Cheikh Abouh Mouhammed s’adonne à l’une de ses principales passions relatives aux zikrs (invocation du Tout-Puissant et de son Envoyé), puis à l’âge de 16 ans, il entame de grands périples religieux, après une maîtrise parfaite de la Qadiriyya.
Le guide religieux va ainsi sillonner plusieurs localités du pays pour notamment y installer des écoles coraniques. Entre autres foyers ardents, Ndiassane Keur Bouh kounta est déclaré titre foncier en 1902 et devient sur ces entrefaites un centre important du soufisme.
Chaque année, un Gamou y est organisé, une semaine après la naissance du Prophète Mouhammad (PSL). Des milliers de personnes venant de la Gambie, de la Guinée-Bissau, de la Guinée, du Mali, du Mauritanie et du Sénégal se retrouvent ainsi à Ndiassane.
Cheikh Abouh Mouhammed Kounta a entretenu d’excellente relation amicale, fraternelle et religieuse avec les érudits de sa génération tels que Cheikh Ahmadou Bamba, Seydi El Hadji Malick Sy, Cheikhna Cheikh Saadibou et Seydina Limamoulaye. Guide de la Khadriya, il donna sur demande sa fille Sokhna Mariama Kounta comme épouse à Serigne Babacar Sy premier Khalife de la famille Sy de Tivaouane et Sokhna Astou Kounta à Serigne Modou Moustapha Mbacké, premier Khalife de Serigne Touba. Apôtre du dialogue inter-confrérique, Cheikh Bouh Mouhammed Kounta est décédé en 1914, au 15ème jour du mois lunaire musulman de Chaban. Cinq de ses fils lui ont succédé au Khalifat. Le défunt Khalife El Hadj Mame Bouh Kounta, fils aîné du 3ème Khalife Serigne Mamadou Kounta, sera le premier petit-fils à occuper ce poste.
Cheikh Bouh Kounta jouissait d’une grande influence religieuse qui s’étendait, d’abord, à ses disciples directs, dont on ne peut évaluer le nombre. Parmi lesquels des femmes et des enfants qui suivaient naturellement le marabout. Cette influence s’étendait, quoique très atténuée, à tous les islamisés du bas-Sénégal qui, sans être parfois de son obédience mystique, s’accordaient à reconnaître que le « Cheikhou Ndiassane » était un homme de bien et un saint musulman choisi par Dieu comme pasteur d’âmes.
L’influence de Cheikh Bouh Kounta était répandue dans toute la Sénégambie, le Mali, le Burkina Faso, la Guinée, la Côte d’Ivoire, etc., pour ne citer que ces pays, et s’étendait aux races les plus diverses. Les Wolofs, par exemple, n’en constituaient qu’une partie. Les peuplades Socés de la Gambie et de la Casamance, les Sarakholé du Haut Sénégal et nombre de Bambara islamisés du Soudan (Mali) constituaient le gros de ses talibés. Il avait, en outre, accueilli dans son village à Ndiassane, à l’ombre de sa Zawya, quelques Maures, Mossi, haoussa etc.
Le saint homme ne s’est pas, seulement, contenté de donner un enseignement spirituel. Il a, également, défini et organisé un cadre propice à l’épanouissement de ses talibés. A l’image de ses ascendants, Bouh Kounta était un érudit de l’islam, un grand homme de DIEU, un grand « Waliyou» débordant de connaissances. Comme ses pères et grands pères, il faisait connaître la religion musulmane et ramener à l’islam un nombre considérable d’adeptes. Conformément, d’ailleurs, à la philosophie du Prophète Mohammad (P.S.L.) qui a imposé à tous les musulmans, à la communauté toute entière le devoir de propager la vérité, convertir les infidèles.
Les musulmans désignent ce prosélytisme par le mot « Dawa » qui signifie littéralement appel, incitation, invitation à la foi islamique. Cheikh Bouh Kounta, un « Waliyou » très cultivé était ouvert à tous. C’est, ainsi, sans bouger de Ndiassane, qu’il se révélait à travers de très longues distances, à des animistes bambaras, mossis, etc.