Saint-Louis, 5 déc (SL-INFO) – Depuis le 16 décembre 2023, la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) maintient son taux directeur à 3,50 %, La banque vient de confirmer ce taux lors d’une réunion le 4 Décembre 2024 à Dakar. Ce taux, qui sert de référence pour les prêts accordés par cette institution aux banques commerciales, reste pourtant loin des réalités que rencontrent les Sénégalais lorsqu’ils empruntent. Les taux appliqués par les banques, souvent autour de 8 % ou dans certains cas plus de 10%, semblent difficilement justifiables pour beaucoup. Ce décalage, bien que complexe, s’explique par des mécanismes spécifiques au fonctionnement bancaire et à l’environnement économique du pays.

Une mécanique bancaire entre théorie et réalité

Le taux directeur de la BCEAO est un outil de régulation monétaire. Il vise à orienter l’économie en influençant indirectement les taux appliqués par les banques commerciales. Ces dernières, cependant, ne se contentent pas de répercuter ce taux sur leurs clients. Elles y ajoutent ce que l’on appelle une marge d’intermédiation.

Cette marge reflète les coûts et les risques que supportent les banques. Parmi ces coûts figurent les frais liés à la gestion des prêts (système informatique, salaires, infrastructures), mais aussi une prime de risque pour couvrir les éventuels défauts de remboursement. En effet, dans un contexte économique marqué par une bancarisation encore faible et des garanties souvent insuffisantes, les risques de non-remboursement restent élevés.

Cette configuration pousse les banques à augmenter leurs taux afin d’assurer leur rentabilité et de maintenir un équilibre face à leurs obligations. Ces obligations incluent également le respect des réserves obligatoires imposées par la BCEAO, qui immobilisent une partie de leurs ressources.

Un environnement peu propice à la baisse des taux

La structure du marché bancaire sénégalais contribue également à maintenir les taux d’intérêt à un niveau élevé. Le secteur est dominé par quelques grandes institutions qui se partagent la majorité des parts de marché. Ce faible niveau de concurrence limite les incitations à proposer des taux plus attractifs.

Par ailleurs, les coûts d’exploitation des banques au Sénégal sont significatifs. Une large partie des services repose encore sur des agences physiques, souvent coûteuses à gérer. Cette dépendance à des infrastructures traditionnelles rend difficile la réduction des charges, contrairement à ce que permettent les innovations numériques dans d’autres régions.

Des conséquences sur les emprunteurs

Pour de nombreux Sénégalais, ces taux élevés sont un frein considérable. Les ménages, qui aspirent à investir dans l’immobilier ou à financer des projets personnels, voient leur accès au crédit limité. De leur côté, les petites et moyennes entreprises (PME), pourtant essentielles à la croissance économique, peinent à trouver des financements abordables pour se développer.

Cette situation ralentit non seulement les ambitions individuelles mais aussi l’ensemble de l’économie. L’investissement, qu’il soit personnel ou professionnel, est essentiel pour stimuler la consommation et créer des emplois. Avec des coûts d’emprunt aussi élevés, le dynamisme économique reste limité.

Des pistes pour sortir de l’impasse

Si les taux élevés semblent inévitables dans le contexte actuel, des leviers peuvent être actionnés pour inverser la tendance. La modernisation des banques, en adoptant des outils numériques pour réduire les coûts opérationnels, pourrait permettre des économies répercutées sur les emprunteurs.

De même, une meilleure gestion des risques, grâce à des systèmes d’évaluation des emprunteurs plus précis et des garanties renforcées, pourrait diminuer la prime de risque intégrée aux taux.

Enfin, une ouverture accrue du secteur bancaire, notamment à travers l’arrivée de nouveaux acteurs comme les fintechs, pourrait stimuler la concurrence et inciter les banques traditionnelles à ajuster leurs pratiques.

Un équilibre encore à trouver

Si le taux directeur reste stable à 3,50 %, l’écart avec les taux appliqués aux emprunteurs montre les défis structurels du secteur bancaire au Sénégal. Les banques, tout en jouant leur rôle d’intermédiaires financiers, doivent jongler entre leurs contraintes économiques, leurs obligations réglementaires et les attentes de leurs clients.

Pour alléger le poids du crédit sur les ménages et les entreprises, des efforts collectifs sont nécessaires : une politique monétaire plus ciblée, une modernisation du secteur bancaire et une concurrence accrue. À terme, ces réformes pourraient transformer l’accès au financement en un levier puissant pour le développement économique du pays.

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