Dakar, 07 août (SL-INFO) – Ce 7 août , l’artiste-comédien Moussa Seck, connu pour son rôle dans la série Xalisso, a comparu devant le tribunal correctionnel du Pool judiciaire financier (PJF) pour escroquerie portant sur des deniers publics et faux et usage de faux en écriture privée. Jugé aux côtés de son co-prévenu, Cheikh Ibrahima Kébé, fonctionnaire placé sous contrôle judiciaire depuis le 8 janvier 2025 et poursuivi pour concussion, Moussa Seck était en détention depuis le 19 mars 2025.
En début d’audience, les avocats de Moussa Seck ont rappelé que, par ordonnance du 17 juillet 2025, le tribunal avait autorisé leur client à consigner 8,84 millions de FCFA à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). Ils ont présenté la quittance de paiement au tribunal.
Interrogé, Moussa Seck a nié les faits reprochés, rejetant la responsabilité sur la direction du Pôle emploi de Diamniadio. « En 2021, j’ai créé une société pour vendre de l’eau minérale, car le théâtre sénégalais n’est pas un métier viable. À l’agence de mission locale de Thiès, on m’a dit que j’étais trop âgé pour bénéficier du financement de la Délégation générale à l’Entrepreneuriat rapide des jeunes et des femmes (DERJF). Ils m’ont orienté vers le Pôle emploi de Diamniadio, qui a validé ma demande après une lettre de recommandation », a-t-il déclaré. Il a ajouté : « Je n’ai pas signé les contrats. La mission locale a monté le dossier avec 11 employés. Ensuite, des agents, dont Cheikh Ibrahima Kébé, m’ont aidé avec les formalités. Lorsque le financement a été débloqué, ils m’ont harcelé pour obtenir une part. J’ai envoyé 100 000 FCFA à Kébé et 800 000 FCFA en deux tranches à Mamadou Lamine Diop. » Selon Seck, seuls Djibril Ngom, Kounta Mbaye et Mbaye Diack étaient réellement ses employés.
Cheikh Ibrahima Kébé, informaticien et comptable au Pôle emploi, a contesté ces allégations. « Lors de sa deuxième visite, les contrats de Moussa Seck étaient mal libellés. Je l’ai aidé à les corriger conformément à la loi de 2015 sur les salaires. Il m’a envoyé 100 000 FCFA via Wave le 1er juin 2022 sur mon numéro personnel, alors que je lui avais donné un autre numéro. J’ai constaté le dépôt le 23 juin 2022 et l’ai immédiatement reversé », a-t-il expliqué. Le juge a relevé une incohérence, soulignant que Wave restitue les fonds non réclamés après 15 jours, et a reproché à Kébé d’avoir reçu une somme indue en tant que fonctionnaire.
L’Agent judiciaire de l’État (AJE) a détaillé les accusations, expliquant que l’enquête de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC) a révélé un réseau de fraude lié à la convention État-employeurs, instaurée durant la crise de la Covid-19 pour soutenir les entreprises en difficulté. Ce système impliquait la falsification de dossiers avec des employés fictifs pour détourner des fonds publics, causant un préjudice estimé à 8,84 millions de FCFA.
Les parties civiles, Mamadou Diallo, Mbaye Diack, Kounta Mbaye, Djibril Ngom et Farma Diankha, ont unanimement déclaré n’avoir reçu aucune somme. Mamadou Diallo, à l’origine de la plainte déposée auprès de l’OFNAC, a affirmé que Moussa Seck lui avait promis un emploi pour lui et son frère, mais n’a jamais donné suite après avoir obtenu leurs documents.
Le témoin Modou Fall, ancien directeur de l’emploi, a indiqué que Moussa Seck avait déposé une demande fin 2021, prétendant un partenariat avec l’hôpital régional de Thiès. « Il a fourni un NINEA, un registre de commerce, un compte bancaire au nom de l’entreprise et un contrat signé. Après vérification, j’ai validé le dossier pour installer des machines à eau », a-t-il témoigné. Le juge a souligné que l’entreprise de Seck était fictive, ce à quoi Fall a répondu s’être limité aux documents juridiques, les missions locales étant chargées des prospections. Khady Mbow, agente au Pôle emploi et coordinatrice de prospection, a déclaré avoir été informée de l’affaire par l’OFNAC.
L’AJE, représentant les intérêts de l’État, a réclamé 15 millions de FCFA et la confiscation de la somme consignée, estimant que les prévenus ont agi de mauvaise foi. Les parties civiles Mamadou Diallo, Mbaye Diack, Kounta Mbaye et Djibril Ngom ont chacune réclamé 1,8 million de FCFA, tandis que Farma Diankha a demandé 2,8 millions de FCFA.
Réquisitoire du procureur
Le procureur de la République financier a jugé les faits établis. Pour Moussa Seck, il a requis six mois de prison ferme et une amende de 200 000 FCFA pour faux et usage de faux, ainsi que deux ans ferme et une amende de 2 millions de FCFA pour escroquerie portant sur des deniers publics, soit une peine totale de deux ans ferme et 2 millions de FCFA après confusion des peines. « Le remboursement effectué n’éteint pas l’action publique. Moussa Seck croit qu’il joue une comédie en se défaussant sur les agents publics, alors qu’il a attaqué les deniers publics en pleine pandémie sans s’amender », a-t-il affirmé.
Pour Cheikh Ibrahima Kébé, le procureur a estimé que les faits de concussion étaient constants, soulignant qu’il a reçu 100 000 FCFA pour une procédure gratuite et a aidé Seck dans ses démarches frauduleuses. Il a requis six mois de prison ferme et une amende d’un million de FCFA.
Plaidoyer de la défense
Me Abdou Kane, avocat de Moussa Seck, a plaidé la relaxe pure et simple, arguant que le procès visait à tort son client plutôt que le Pôle emploi. Invoquant une application bienveillante de la loi, il a signalé que l’épouse de Seck avait accouché la veille et a sollicité sa liberté provisoire, soulignant le versement de la caution.
Me Ndofane Diouf, avocat de Cheikh Ibrahima Kébé, a estimé que l’intention coupable n’était pas établie et a requis un renvoi des fins de la poursuite sans peine ni dépens.
Le tribunal a requis l’avis du procureur sur la liberté provisoire de Moussa Seck. Ce dernier s’y est opposé, invoquant un risque de non-représentation en justice, rappelant que Seck avait déjà manqué une convocation, nécessitant un mandat d’amener. Me Kane a rassuré le tribunal sur la bonne foi de son client, domicilié régulièrement et déterminé à comparaître.
Finalement, le tribunal a accordé la liberté provisoire à Moussa Seck et fixé le délibéré au 11 septembre 2025.