Dakar, 19 août (SL-INFO) – Avant la période 2021-2023, le Sénégal avait connu une autre série de violentes manifestations. C’était entre 2011 et 2012, lorsque le président Wade voulait forcer un 3e mandat. Pour la première fois, l’ancien ministre de l’Éducation, Kalidou Diallo, qui a vécu de près la situation, a raconté à « Jeune Afrique » les coulisses de la chute du pouvoir d’Abdoulaye Wade.

La tension a pris une autre tournure, après le dépôt d’un projet de réforme constitutionnelle visant à faciliter son élection pour un mandat supplémentaire. Le projet a été adopté le 16 juin 2011, en Conseil des ministres, puis par la Commission des lois de l’Assemblée nationale. Ne restait plus qu’à le faire voter à l’Assemblée nationale, partie la plus simple, puisque le PDS disposait de la majorité parlementaire. 

Une semaine plus tard, le 23 juin, une manifestation a été organisée par la coalition Benno Siggil Senegaal, qui regroupait la grande partie des opposants, accompagnée des mouvements citoyens et des représentants de la société civile. Ce même jour, alors que l’Assemblée nationale était en séance plénière pour adopter le projet de réforme, le gouvernement s’est réuni en Conseil des ministres. Moment choisi pour certains ministres de faire part de leur désaccord à Me Abdoulaye Wade. Parmi eux, Abdoulaye Makhtar Diop, feu Djibo Leyti Ka et Kalidou Diallo. 

Ce dernier, chargé de l’Éducation, prit la parole devant ses pairs et dit : « Monsieur le Président, ce projet de loi est mal compris par l’opinion. Il est inopportun et porteur de violence. » Déclaration que le chef de l’État n’a pas appréciée, raconte l’ancien ministre. « Abdoulaye Wade me coupa la parole et me menaça de m’expulser de la réunion, si je continuais à m’exprimer de la sorte », se souvient-il.

Au fil de cette fameuse journée du 23 juin, lorsque Wade prit conscience de la colère et du rejet de la population, il comprit que son ministre e l’Éducation avait raison. « En plein Conseil des ministres, Abdoulaye Wade fit un premier amendement au texte pour supprimer la révision contestée du Code électoral. En début d’après-midi, il demanda à Cheikh Tidiane Sy, ministre de la Justice, d’annuler la totalité du projet de loi », conte Kalidou Diallo.

Malheureusement, le mal était déjà fait. Dans la solitude de la nuit, conscient de ce qui venait de se jouait, Wade appela Kalidou Diallo. « Le même jour, vers minuit, le président Wade m’appela, alors que j’étais déjà couché. « Kalidou, tu dors ? » « Non, Monsieur le Président, répondis-je. Je réfléchis à la situation ». « Bon, tu passes au palais, alors. Je t’attends ». Je le trouvai à son bureau, tout seul, la mine sombre. Il était abattu. « Kalidou, tu avais raison, ce matin. Mais on ne s’adresse pas à un président de la République de façon aussi discourtoise, voire arrogante. Je suis le seul responsable de cette situation et je considère que nous avons perdu le pouvoir à partir d’aujourd’hui », dit-il.

Quelques mois plus tard, le sentiment de Wade se concrétisa. À l’élection présidentielle, Wade et le PDS furent battus à plates coutures au second tour par Macky Sall…

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